Pierre BÉZIER (+ H. LAGRANGE + D. VERNET) | ||
(1910-1999) | ||
France | ||
Ingénieur | ||
biography / biographiePierre BÉZIER fut membre d'Ars Mathematica vers la fin de sa vie. Il disait: "Il faut à l'ingénieur une certaine dose de courage ou d'audace pour aller à contre-courant, laissant les gens trop sages nommer cela imprudence, témérité, inconscience ou folie. Mais le but d'une existence d'homme n'est pas de recueillir l'appui de gens trop sages. C'est d'avoir porté et transmis le relais." . Si nous remplaçons le mot "ingénieur" par celui d'artiste ou de chercheur, nous voyons immédiatement l'analogie entre ces trois activités humaines fondamentales, dont le mode de pensée commun, lorsqu'il acquiert toute sa dignité - c'est à dire lorsqu'un esprit limité, servile et courtisan ne le trahit pas-, devient une philosophie de la vie. Il ne faut donc guère s'étonner que l'ingénieur français le plus connu dans le monde après Gustave EIFFEL, ait aussi tenté, avec ses collègues, quelques "digressions artistiques", pionnières dans le domaine de la sculpture numérique, qu'il appela Sculpture Assistée par Ordinateur (SAO), et nous fit la joie et l'honneur d'être membre de notre association ARS MATHEMATICA vers la fin de sa vie. Pierre BÉZIER était fils et petit-fils de "gadzarts", et fut à son tour élève des Arts et Métiers en 1927. A partir de 1933, et jusqu'à sa retraite en 1975, il fait toute sa carrière chez le constructeur automobile Renault, depuis le poste d'ajusteur-soudeur jusqu'à celui de directeur attaché à la Direction Générale de l'entreprise. Dès 1935, il fait remplacer les commandes hydrauliques des machines de production par des relais électriques. Durant sa captivité en Allemagne (1939-1941) il imagine un nouveau type de "machine transfert" (suite de machines-outils qui enchaînent les opérations d'usinage), qui permettra, en 1946, le lancement de la 4CV au rythme de 20 voitures par jour. Entre 1955 et 1958 il met au point des perceuses à commande numérique entièrement transistorisée. Nommé à la direction générale de Renault en 1960, il se consacre désormais à ce qui deviendra la "Conception Assistée par Ordinateur" (CAO). En 1965, il diffuse une note de service pour que "tout soit représenté par des nombres et circule sous forme de nombre dans l'entreprise et chez les sous-traitants". Il développe alors une chaine complète de création et de fabrication numérique, du dessin à l'usinage, en développant ce que le monde entier connait aujourd'hui sous le nom de "Courbes de Bézier". Nous avons recueilli son témoignage à ce sujet: le moins que l'on puisse dire c'est qu'au départ cette innovation ne fut pas très populaire, ni chez les personnels réalisant les maquettes et prototypes, inquiets de nouvelles méthodes, ni à la direction générale, où on ne croyait guère aux élucubrations de l'ingénieur. Avec un grand sens de l'humour, Pierre BÉZIER nous avait raconté et mimé la rencontre avec son supérieur: il avait dû fonder ses propositions sur un "célèbre mathématicien", totalement imaginaire, le fameux Onésime DURAND, et entendre malgré tout ledit supérieur lui déclarer: "Monsieur BÉZIER, si votre truc ça marchait...les américains s'en serait déjà servi !". Il en fallait plus pour le décourager. En 1968 il utilise un ordinateur d'occasion pour mettre au point la première version du logiciel UNISURF, permettant le dessin de courbes et surfaces complexes. Il se rend à Détroit, alors temple de l'industrie automobile, pour expliquer son procédé. Le système est relié à une fraiseuse numérique, et il convainc définitivement Renault quand il montre comment sortir une porte de voiture en 2 jours plutôt qu'en 1 mois. A trois ans de la retraite, en 1972, l'ingénieur obtient que la Régie Renault investisse dans un système opérationnel. Peut-on parler de retraite pour un homme tel que Pierre BEZIER ? En 1977, il passe son Doctorat d'État en mathématiques: "Essai de définition numérique des courbes et surfaces". Il multiple les conférences, écrit de nombreux articles, reçoit plusieurs distinction nationales et internationales (Légion d'Honneur, Médaille Coons, Médaille Gregory de l'association for Computer Machinery, Prix Nessim Habif, docteur Honoris Causa de l'université technique de Berlin, etc.). Pierre BÉZIER, héritier d'une tradition humaniste et d'une grande indépendance d'esprit (son grand-père avait été renvoyé des Arts et Métiers d'Angers pour "pensée subversive" !), croyait au progrès, mais à condition que l'Homme soit au centre du processus: "Si la machine, l'ordinateur, partage avec l'homme une forme d'intelligence qui, selon Descartes, est la faculté d'acquérir, de coordonner et de déduire, c'est néanmoins à l'homme, et à l'homme seul, qu'appartient le pouvoir d'imaginer et le courage d'oser, qui restent le moteur du progrès". |
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statement / philosophie |
Documentation |
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3D, Science et Patrimoine Culturel, ENSAM Metz 2008 | ||