Alexandre VITKINE

(1910-2014)

France

Infosculpteur

biography / biographie

Né le 1er mars 1910 à Berlin, d'une famille ayant des racines en Russie, Pologne et Lettonie, Alexandre "Sacha" VITKINE passera son enfance à Copenhague, puis viendra s'installer à Paris avec sa mère, Olga, dans les années 30, au moment où celle-ci se sépare de son mari, Haïm, qui retourne vivre en Russie. Par ses voyages, sa famille, et ses nounous diverses, Alexandre finira par maîtriser 8 langues, au point qu'il déclarera plus tard : «Je ne sais pas quelle est ma langue maternelle». Cet avantage décisif lui permettra une ouverture hors du commun sur le monde international des artistes. Avant la seconde guerre mondiale, ayant donc terminé ses études à Paris, il commence par une carrière d'ingénieur dans le textile, tout en pratiquant divers sports : alpinisme, ski, spéléologie. Il n'abandonnera le ski qu'à l'âge de 98 ans ! A l’entrée en guerre de la France, considéré comme apatride, il est titulaire d’un passeport Nanssen. Pour aider la France, son pays d’adoption, il s’engage dans la Légion Étrangère, comme de nombreux réfugiés juifs dans sa situation. Il est envoyé en Afrique du Nord, où il s'occupe des lignes télégraphiques, et du projet de train transsaharien. En 1942, ayant choisi de continuer le combat contre les Nazis, et il rejoint l’armée britannique. D'abord simple soldat de sa Gracieuse Majesté lors des combats de Libye, il prend le grade d’officier lorsque ses compétences d’ingénieur sont requises. Il accompagne les troupes alliées lors de la campagne d’Italie. En 1945, à la fin de la guerre, plutôt que d'accepter la citoyenneté britannique il revient en France retrouver sa mère, qui avait pu vivre cachée dans un village en Ardèche. Mais il découvrira que plusieurs dizaines de membres de la famille, restées en Europe de l’Est, ont été massacrées par les Nazis. Alexandre épouse Anne-Marie en 1948, et ils auront deux fils. La France leur accorde, enfin la nationalité Française en 1949. Pendant une douzaine d'années, Alexandre travaille comme ingénieur-acheteur chez Visiodon, usine de bobinages pour postes radio. Son esprit inventif s'enrichira de toutes ces expériences. Depuis son "séjour" au Sahara, il s’intéresse de plus en plus à la photographie. Dans les années 50, il devient un membre très actif du club des 30x40, créé par Roger DOLOY, et qui rassemble des grands noms de l'image. A la disparition de l'entreprise Visiodon, au milieu des années 60, Alexandre devient photographe professionnel. Il développe un style très personnel de silhouettes industrielles en noir et blanc. Il exposera dans divers pays. La Bibliothèque Nationale de France collectionnera ses clichés. Mais ce n'est qu'en 2004, âgé de 94 ans, qu'il sera redécouvert, et promu sérieusement par le galeriste Laurent HERSCHTRITT. Pour Alexandre, l'aventure des ars électroniques débute au milieu des années 60. Il bidouille des oscilloscopes, des écrans de télévision auxquels ils envoie des signaux par des circuits de son invention. Avec des filtres, il obtient des images abstraites en couleur. En 1967, il réalise un film d'animation en art électronique analogique (sans ordinateur) qu'il intitule Chromophonie, accompagné de la musique du compositeur Alain DUBOIS. Dans les milieux concernés, il devient un pionnier reconnu de ces arts nouveaux auxquels il va désormais se consacrer. L'artiste-ingénieur met au point le Sonoscope, appareil permettant la transformation de la voix et du son en image. Il est invité à exposer dans des manifestations telles que Cybernetic Serendipity (San Francisco), Ars Electronica (Autriche) ou Electra (Paris). Il présente ses travaux et sa méthode dans un article publié en 1986 par la revue LEONARDO (Vol. 19, N°4). Peu après, il se se met à l'informatique et se lance dans l'info-sculpture (sculpture numérique) à partir de 1988. Il visualise sur écran ses œuvres en 3 dimensions, par une succession de courbes de niveaux calculées à partir de courbes de Lissajous (Bowditch Curves, aux USA) et/ou de spirales logarithmiques. Il recherche des formes très épurées. Le logiciel qu'il développe servira ensuite au pilotage des fraiseuses à commande numériques permettant la réalisation physique des sculptures, le plus souvent dans du bois ou de la résine. Après avoir eu recours à différents partenaires techniques (écoles, entreprises), il achète sa propre machine d'usinage en 1995. Dès 1989, il élabore un projet d'Atelier d'Infosculpture qui serait ouvert à tous les artistes cherchant à expérimenter la sculpture numérique. Il recueille l'assentiment et l'appui de nombreux pionniers des arts électroniques. En 1990, il rencontre Christian LAVIGNE lors d'un festival d'art et de science, PARIS CITÉ. Cet artiste, lui aussi pionnier de la sculpture numérique, travaillait par coïncidence au même type de projet : un Centre International de Recherche et d’Enseignement de la Sculpture (CIRES) tourné vers les nouvelles technologies de l'objet. Ce projet en commun prendra le nom de CREATRON en 2005 : Centre de Ressources Européen pour l'Art, la Technologie et la Recherche des Objets Numériques. En 1992, les deux artistes décident de préparer la Première Exposition Internationale de Sculpture Numérique, qui aura lieu en mai 1993 à l’École Polytechnique, et qui, devenue une rencontre régulière, prendra le nom d'INTERSCULPT en 1995. Afin de promouvoir leurs idées et de rassembler les esprits ouverts à la collaboration entre les arts, les sciences et les techniques, Alexandre et Christian fondent l'association ARS MATHEMATICA fin 1992. Alexandre VITKINE en sera le Président jusqu'à son 101ème anniversaire, puis le Président d'Honneur. INTERSCULPT, et les diverses manifestations dont ARS MATHEMATICA est soit l'organisatrice soit l'invitée, permettront à un public international d'apprécier la créativité d'Alexandre VITKINE, qui n'a jamais cessé d'étonner jusqu'à la fin de sa longue vie. Par exemple, il décide dans les années 2000 de faire tailler une pointe de silex par un préhistorien, pour la fixer sur sa fraiseuse numérique ! Avec l'aide de Christian LAVIGNE, il aborde aussi la Fabrication Additive, les imprimantes 3D. Il a conscience que la conversion de ses fichiers personnels au format standard reconnu par ce type de machines permet aussi la préservation et la diffusion de son œuvre. C'est ainsi qu'en mai 2014, Ars Mathematica présente des œuvres d'Alexandre à Hong Kong, et que la Pr. Marie VISSER, Vice Présidente de l'association, fait fabriquer une télésculpture de l'artiste, à l'University of Texas in Austin, pour l'exposition qu'elle présente au mois d'août dans le cadre du 25th Annual International Solid Freeform Fabrication Symposium. Le dernier événement dont la préparation sera suivie par Alexandre, peu de temps avant sa disparition le 15 septembre 2014, est le Brown Symposium, programmé fin février 2015 à la Southwestern University (Georgetown, Texas), sous la direction de Mary VISSER, et dont Ars Mathematica est co-curator. Grâce aux nombreuses expositions internationales auxquelles il aura participé, grâce aux collections publiques ou privées qui gardent certaines de ses œuvres, mais aussi par le don de ses installations électroniques à la Cité des Sciences et de l'Industrie (Paris), et par la volonté indéfectible de l'association qu'il a fondée, les travaux de cet artiste au parcours peu banal resteront dans les mémoires et dans l'Histoire. L'idée novatrice d'un atelier ouvert d'infosculpture, d'un centre d'expérimentation pour la sculpture numérique, n'a pas été entendue par "les officiels", de son vivant. Les artistes de la discipline qu'il a contribué à promouvoir ne pourront lui rendre un meilleur hommage qu'en travaillant sans répit à la mise en œuvre de cette idée généreuse. Alexandre était un homme de partage, qui parlait peu mais toujours avec le mot juste, et une pointe d'humour. Lors de son centième anniversaire, dans une conférence publique au Palais de la Découverte, quelqu'un lui demanda le secret de sa longévité. Il répondit simplement : «Pour atteindre 100 ans ? ...Il faut simplement être patient !». Nous, ses amis, ses confrères, espérons tout de même ne pas avoir encore à attendre un siècle pour que dans les musées du pays qu'il a défendu et choisi, son œuvre de sculpteur soit regardée avec toute la considération qu'elle mérite, et qu'elle a déjà trouvée à l'étranger. Robert VITKINE et Christian LAVIGNE, 21 septembre 2014

statement / philosophie

In my infosculptures, there is very little influence or inspiration from mathematics. However, for me, they are very useful tools for simple shapes, devoid of irregularities. They are defined by their contours which are either Lissajous or Bowditch Curves, or contours surrounding a Logarithmic Spiral. In the Lissajous figures, the closed curves X and Y coordinates are the sum or difference of sinusoidal functions. These forms come from my Chromophonie [video, 1967], which displays the interactions of colored light movement across the tube at intervals. The Spiral is the axis of the contour is a logarithmic spiral that is defined by the covered angle, the radius of the beginning of the spiral and the end of its radius. The closed curve that surrounds this spiral is defined by the half-width at the start and the half-width at the end of the spiral.


Documentation

1995 - Revue FLUX de Supélec
1999 - Expo Carte Blanche à Boulogne/Seine

Oeuvres / Works

Alexandre dans son atelier en 1995 - photo P-E. CHARRONAlexandre dans son atelier en 1995 - photo P-E. CHARRON

SpiraleSpirale

Boule OnduléeBoule Ondulée

Gravure réalisée avec un silex taillé à la manière préhistorique et installé sur une fraiseuse à CNGravure réalisée avec un silex taillé à la manière préhistorique et installé sur une fraiseuse à CN

Vidéo / Video


Oeuvres 3D / 3D Works